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Veilles juridiques Juillet 2025

Veilles juillet 2025

La reprise du chantier de l'A69 

CAA Toulouse 28 Mai 2025 N°25TL00597, N°25TL00642 et N°25TL00653

Contexte : Le projet d'autoroute A69 a été pensé pour désenclaver et accompagner le développement économique du bassin de Castres-Mazamet, en offrant de nouvelles perspectives d'emplois aux habitants de cette région. Toutefois, des riverains et écologistes s'opposant au projet, ont mis en lumière les conséquences néfastes de ce projet sur l'écosystème, l'environnement et la qualité de vie des habitants. 

Historique : 

La réalisation de l’autoroute A69 et l’élargissement de l’autoroute A680 ont d’abord fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique, validée par le Conseil d’État.
 

Après enquête publique, les concessionnaires en charge du projet (Atosca et ASF) ont obtenu les autorisations environnementales prévues par la loi (art. L.181-1 du Code de l’environnement), en mars 2023, grâce à une dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats.

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Ces dérogations sont délivrées, selon les critères fixés par décret par le Conseil d’État, lorsque le maintien des espèces protégées n’est pas menacé, s’il n’existe pas de solution alternative et si le projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur (art. L.411-2 du Code de l’environnement).

 

Toutefois, par plusieurs jugements du 27 février 2025 (n° 2303830, n° 2303544, 2304976 et 2305322), le tribunal administratif de Toulouse, saisi par des associations de défense de l’environnement, a estimé que les autorisations délivrées devaient être annulées faute de nécessité impérieuse à réaliser le projet d’autoroute, susceptible de justifier les atteintes portées à l’environnement et aux espèces protégées.

 

Ces jugements ont eu pour effet de stopper net le chantier en cours.

Procédure : 
En raison de l’avancée des travaux, la cour administrative d’appel de Toulouse a été saisie de trois appels formés contre ces jugements par l’Etat et les deux sociétés bénéficiaires des autorisations environnementales annulées (Atosca et ASF), visant à obtenir le redémarrage du chantier autoroutier de 53 kilomètres. À chacun de ces appels étaient jointes de requêtes tendant à obtenir le sursis à l’exécution des jugements, dans l’attente de l’examen au fond des appels (selon les conditions prévues par les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative).

Problématique : 

​La réalisation de l’autoroute A69 répond-elle à des raisons impératives d'intérêt public majeur, justifiant la poursuite du projet d'infrastructure au détriment de la protection de l’environnement et des espèces protégées ?

Solution : 

Dans trois arrêts, du 28 mai 2025, la cour administrative d’appel de Toulouse a prononcé le sursis à l’exécution des jugements rendus, le 27 février 2025, par le tribunal administratif de Toulouse.

Ces décisions ont pronnoncé l’annulation des autorisations environnementales délivrées par l’Etat aux sociétés concessionnaires (Atosca et ASF), chargées de la réalisation de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse.

La cour a suivi l’avis du rapporteur public Frédéric Diard qui avait préconisé la poursuite du chantier. En l’état de l’instruction, les juges se sont fondés sur l’article R. 811-15 du code de justice administrative, en estimant que le moyen soulevé par les requérants, selon lequel «le projet autoroutier en litige répond par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur», était sérieux et donc susceptible de justifier l’octroi d’une dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées. Le prononcé de ce sursis à l’exécution a ainsi eu pour effet de remettre en vigueur les autorisations environnementales qui avaient été annulées, dans l’attente que la cour se prononce sur le fond.

Suites de l'affaire : 

Dans quelques mois, la cour administrative d’appel de Toulouse devra trancher sur le fond de ce dossier, mais le ministre des transports, Philippe Tabarot, a annoncé que le chantier devrait reprendre «à partir de mi-juin de manière progressive». 

L’objectif de ce texte est de permettre la reprise définitive du chantier autoroutier, en lui reconnaissant une raison impérative d’intérêt public, car si cette loi est validée par le Conseil constitutionnel, le gouvernement pourrait alors s’en prévaloir pour obtenir le prononcé d’un non-lieu par la cour administrative d’appel de Toulouse.

 

Largement adoptée par le Sénat, les députés ont néanmoins voté une motion de rejet préalable, afin de renvoyer la proposition de loi de validation du projet autoroutier devant une commission mixte paritaire, devant laquelle elle a de grandes chances d’être adoptée.

Entre ambitions écologiques et réalités économiques

Directive Européenne CS3D du 24 juillet 2024

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Présentation de la directive :

La Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CS3D), adoptée en 2024, établit un cadre juridique européen harmonisé visant à encourager un comportement durable et responsable des entreprises tout au long de leur chaîne de valeur. Elle instaure des obligations de vigilance environnementale et sociale, des mécanismes de plainteainsi que des sanctions financières en cas de manquement. 

Lors de son adoption, ce texte a été salué comme un progrès majeur en matière de responsabilité sociétale. Lara Wolters, rapporteure de la directive, avait alors souligné qu’elle marquait « un pas considérable vers la fin de l’exploitation des personnes et de la planète par les entreprises cow- boys ».

 

La France s’est illustrée comme un acteur précurseur grâce à sa loi de 2017 sur le devoir de vigilance, qui imposait déjà aux grandes entreprises des mesures de prévention des risques sociaux et environnementaux au sein de leurs chaînes d’approvisionnement.

Le revirement français : 

oins d’un an après ce premier accord, la directive suscite toutefois des réticences croissantes dans certains États membres, notamment en France. Lors du sommet Choose France en mai 2025, Emmanuel Macron a annoncé son intention de supprimer la CS3D. Il a plaidé pour une simplification réglementaire accélérée. À ce titre, il a soutenu que « la CS3D et quelques autres régulations ne doivent pas être simplement repoussées d’un an, mais écartées ».

 

Le président français dénonce l’accumulation de normes contraignantes, jugées pénalisantes pour les entreprises européennes, confrontées à la concurrence d’acteurs étrangers bénéficiant d’un cadre plus souple, comme en Chine, ou de politiques industrielles très incitatives, telles que l’Inflation Reduction Act aux États-Unis.

Un équilibre complexe entre régulation et compétitivité : 

Cette position s’inscrit dans une stratégie plus large de simplification administrative et de renforcement de l’attractivité économique. Lors du sommet, 20 milliards d’euros d’investissements ont été annoncés dans des secteurs stratégiques tels que l’intelligence artificielle ou la construction navale. Le gouvernement français entendfavoriser un environnement propice à l’investissement, quitte à reconsidérer certaines normes perçues comme trop contraignantes.

Une contestation partagée, un dilemme commun : 

​LLa France n’est pas isolée : le chancelier allemand Friedrich Merz a également prôné la suppression de la directive. Cette convergence franco-allemande reflète les préoccupations des acteurs économiques, qui dénoncent une réglementation excessive freinant la compétitivité européenne. La controverse autour de la CS3D illustre un dilemme central : Peut-on concilier ambition environnementale et compétitivité, ou l’Europe devra-t-elle choisir entre ces deux priorités ?

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