Le cadre juridique de la panthéonisation
I. La panthéonisation, une procédure particulière peu aboutie
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À l’origine, le Panthéon est une abbaye. À partir de 1791, l’Assemblée constituante la transforme en nécropole nationale laïque, celle-ci est vouée à recueillir les grands hommes de l’époque de la liberté française. La devise inscrite sur son fronton en témoigne : « Aux grands hommes la patrie reconnaissante ».
À ce jour, le Panthéon abrite 83 personnalités dont 7 femmes et 76 hommes.
Sur le plan juridique, la panthéonisation demeure dépourvue de fondement constitutionnel ou législatif. Si, sous la IVe République, elle était convenue par la loi, la pratique actuelle repose exclusivement sur le pouvoir du président de la République. Cette attribution trouve son origine dans un arrêté consulaire du 13 messidor an X, qui confiait au chef de l’État le soin d’affecter les bâtiments publics à un usage déterminé. Dès lors, un décret est pris à cette fin le 26 avril 1885 arguant dans ses motifs que le Panthéon « fait partie du domaine de l’État (…) Le Panthéon est rendu à sa disposition primitive et légale. Les restes des grands hommes qui ont mérité la reconnaissance nationale y seront déposés ».
Bien qu’aucun texte ne précise les critères pour déterminer les conditions d’entrée, des lignes directrices implicites orientent le processus de sélection. En outre, l’incarnation des idéaux républicains, c’est-à-dire des valeurs fondamentales qui font la devise de la République française, semble constituer son principal critère.
Traditionnellement, le chef de l’État consulte la famille du défunt pour obtenir son autorisation. Puis, il officialise le transfert des cendres ou du corps vers le Panthéon par le biais d’un décret présidentiel, pris en Conseil des ministres, sur proposition du Premier ministre et du ministre chargé de la Culture. Toutefois, en pratique, cette procédure s’est largement assouplie : dès 1964, lors du transfert de Jean Moulin, le décret ne faisait plus l’objet que d’un simple avis, et, à partir de 2021, pour Joséphine Baker, aucun décret n’a été pris, la décision ayant été annoncée uniquement par un communiqué de l’Élysée. Désormais, elle semble donc procéder de la seule volonté du chef de l’État, carencée par l’intervention du Gouvernement.
Enfin, la panthéonisation n’est encadrée par aucun contrôle juridictionnel établi. En effet, le Conseil d’État n’a jamais eu l’occasion de se prononcer sur son régime car elle ne constitue qu’une reconnaissance nationale. Par analogie avec le régime juridique des décorations (telle que la Légion d’honneur), un recours contre celle-ci reste possible mais il ne pourrait porter que sur la légalité externe de l’acte.
Robert Badinter entra au Panthéon le 9 octobre, date anniversaire de la promulgation de la loi portant abolition de la peine de mort. 44 ans après l’abolition de la peine capitale, le 9 octobre 1981, entre au Panthéon celui qui, fidèle aux valeurs universelles de la République Française, a obtenu l’abolition de la peine de mort.
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II. Le cas de Badinter, une panthéonisation justifiée
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Le Président Emmanuel Macron, usant de sa prérogative en tant que Chef de l'État de la Ve République, a décidé de faire entrer l'ancien Ministre de la Justice, Robert Badinter, au Panthéon. Il a exprimé cette décision le 14 février 2024 lors d'un discours prononcé pendant une cérémonie d'hommage à Badinter, décédé quelques jours auparavant, le 9 février. La panthéonisation a eu lieu le 9 octobre 2025 afin de commémorer l'héritage de Badinter, qui a mené le combat contre la peine de mort. En effet, la cérémonie s’est tenue exactement 44 ans après l'abolition de la peine de mort en 1981. Cette décision s'inscrit dans une volonté de faire perdurer le combat de Badinter, d'autant que la France organise en 2026 le 9e Congrès mondial contre la peine de mort. Si le Président a le pouvoir de choisir qui peut être panthéonisé, l'individu doit tout de même avoir incarné les valeurs de la République. Dans son discours de 2024, Macron a mis en avant l'une de ces valeurs fondamentales qu'incarnait Badinter : la vie. Il a insisté sur cette valeur comme étant "garantie par l'État de droit, par les lois fondamentales de la République". Le Président a également souligné le concept de "primauté de la personne humaine", qui fut au cœur de la Décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, un texte dont Robert Badinter fut à l'origine.
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Par Nina OUHAYOUN et Lucy JANAUDY du pôle Droit Privé général
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L’affaire Sarkozy-Kadhafi : un procès politique ?
I. Contexte​​
Dans les faits, il est reproché à l’ancien président de la République française, Nicolas Sarkozy, d’avoir bénéficié d’un financement illégal pour sa campagne présidentielle de 2007 de la part du régime libyen, dirigé d’une main de fer par le colonel Mouammar Kadhafi. En échange d’une somme estimée à 50 millions d’euros, l’ancien chef d’État aurait, en contrepartie, garanti des avantages visant à servir les intérêts de Kadhafi, notamment dans le cadre de sa réhabilitation internationale, alors que le régime libyen se trouvait isolé après de lourds scandales liés aux attentats de Lockerbie et du vol UTA 772.
Quelques années plus tard, à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy, le journal d’investigation Mediapart dévoile deux documents explicites relatifs à cet arrangement politique et financier entre les deux anciens chefs d’État.
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II. Procédure
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L’enquête s’ouvre en avril 2013 après que ces documents litigieux sont parvenus au Parquet national financier (PNF). L’instruction judiciaire s’étend sur plus de dix ans, se traduisant par de nombreuses auditions, perquisitions, investigations internationales et examens de comptes.
Au cours de celle-ci, la défense a tenté de faire valoir l’immunité présidentielle pour certains faits, ce que la Cour d’appel a principalement rejeté le 24 septembre 2020. La Cour de cassation, par une décision du 2 décembre 2021, rejette une nouvelle fois l’ensemble des recours de Nicolas Sarkozy concernant une possible immunité présidentielle ou la compétence de la Cour de justice de la République.
Devant le tribunal correctionnel de Paris, le PNF a requis sept ans de prison ferme, 300 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité pour corruption passive, recel de détournement de fonds publics étrangers, association de malfaiteurs et financementillégal de campagne électorale. La défense conteste avoir reçu la moindre somme d’argent, ou du moins, ne pas en avoir bénéficié.
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III. Solutions
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Nicolas Sarkozy est finalement condamné par le tribunal correctionnel de Paris, par un jugement prononcé le 25 septembre 2025, uniquement pour le chef d’accusation d’association de malfaiteurs : cinq ans de prison avec mandat de dépôt à effet différé, 100 000 euros d’amende, interdiction de ses droits civiques, civils et familiaux pendant cinq ans, ainsi qu’une inéligibilité de cinq ans.
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IV. Portée et intérêts
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Cette affaire et ce procès ont tenu une place centrale dans la vie médiatique pendant de nombreuses années, se concluant par un dénouement marquant : la condamnation d’un ancien président de la République pour un scandale international. Ce jugement depremière instance rappelle que la justice reste supérieure à tous, telle une épée de Damoclès planant au-dessus de quiconque transgresserait la loi. Autrement dit, ce jugement réaffirme une nouvelle fois le principe de responsabilité pénale de tous, incluant donc les hautes sphères de la société.
Cette condamnation a également mis en lumière de nouveaux enjeux, notamment la nécessité de transparence dans les campagnes électorales et le renforcement d’une législation stricte afin de prévenir toute transgression. Le chef d’accusation « d’association de malfaiteur », ayant été le seul retenu en l’espèce, semble induire une nouvelle orientation judicaire de lutte contre les financements occultes propres aux campagnes politiques, avec comme objectif d’effrayer d’éventuelles futures pratiques prohibées.
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V. Commentaires et critiques
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Ce procès, au-delà de sa portée, a suscité un flot considérable de commentaires et de critiques, divisant l’opinion publique nationale et internationale. Tandis que le clan Sarkozy dénonçait « l’injustice » et le « scandale », d’autres, telles que des associations anticorruptions, ont qualifié ce dénouement de « jugement historique ».
La longévité de la procédure judiciaire a également été critiquée. En effet, l’affaire ayant débuté il y a déjà plus de douze ans, elle est une nouvelle fois pointée du doigt comme exemple du fonctionnement lent de la justice française. Certains crient à l’apologie du gouvernement des juges et a une partialité récurrente du corps de la magistrature à l’égard des politiques, venant même à parler de « juges rouges » selon Jordan Bardella à la suite de la condamnation de Marine Le Pen, suggérant alors à une politisation des magistrats envers certains bords politiques.
Ainsi, cette a`aire incite à se questionner sur ce principe fondamental qu’est la séparation des pouvoirs où certains voient en ce jugement une invasion du pouvoir judiciaire à l’encontre du pouvoir exécutif. Une question subsiste : le procès Sarkozy reflète-t-il une justice fidèle à son credo d’impartialité ou bien à une justice politique ?
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Par Pierre TRICOT et Maud MACE du pôle Droit pénal
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