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Veilles juridiques Juin 2025

Veilles juridiques juin 2025

Droit de se taire ? Pas ici, dit la Cour d’appel financière

La Cour d’appel ne reconnait pas de droit constitutionnel de se taire, dans des procédures devant la Cour des comptes, CAF, 13 février 2025, n° 2025-2

Contexte :

Le maire de Richwiller est mis en cause pour avoir réquisitionné le comptable public afin de verser une indemnité illégale à certains agents municipaux. Dans le cadre de la procédure devant la chambre du contentieux de la Cour des comptes, il a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), contestant plusieurs articles du Code des juridictions financières (CJF), qu’il juge contraires au droit constitutionnel de se taire, protégé par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC). 

Procédure : 
La chambre du contentieux a refusé de transmettre la QPC au Conseil d’État, estimant qu’elle ne présentait pas de caractère sérieux. Le maire a interjeté appel.

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Il soutenait que les articles L. 131-1 à L. 131-16 et L. 141-5 du CJF ne prévoient pas d’information sur le droit de se taire, ce qui, selon lui, méconnaît l’article 9 de la DDHC.

Problématique : 

​Le droit de se taire s’applique-t-il aux procédures financières ? Son absence dans le CJF viole-t-elle la Constitution ?

Focus : 

Le droit de se taire, comme garantie fondamentale du droit à un procès équitable !

 

Quels fondement ?

 

  • Art. 9 de la DDHC : « tout homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable. »

 

⟶ Cet article fonde la présomption d’innocence, dont découle le droit de ne pas s’auto-incriminer, et donc le droit de se taire.

 

  • Décision du Conseil constitutionnel : ce droit fait partie des droits de la défense (décision n° 2020-886 QPC du 4 mars 202).

  • Article préliminaire du Code de procédure pénale : en matière pénale, toute personne a le droit de ne pas s’auto-incriminer

  • Art. 6 §1 et §2 de la CEDH : droit au silence comme composante du droit à un procès équitable

  • Ainsi, ce droit est essentiel dans les procédures ayant un caractère répressif ou disciplinairepouvant mener à une sanction.

Solution : 

La Cour d’appel financière (CAF) a confirmé le rejet de la QPC :

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1. Les articles visés ne régissent pas les auditions des personnes mises en cause.

⟶ La Cour précise que les articles du CJF attaqués ont uniquement pour objet d’organiser la procédure de jugement des comptes, sans lien avec les règles de procédure applicables aux personnes mises en cause (cf. considérants 4 et suivants).

 

  • Article L131-1 à L131-16 CJF : posent les règles de compétence et de fond.

  • Article L141-5 CJF : porte sur le droit d’accès aux documents et données dont bénéficie la Cour.

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2. La procédure financière relève du domaine réglementaire (et non législatif), donc non contestable via une QPC (art. 61-1 de la Constitution).

 

3. Le droit de se taire s’applique uniquement aux procédures pénales ou disciplinaires, ce que ne sont pas les juridictions financières.

 

  • La Cour des comptes juge des actes financiers, pas des délits ou fautes disciplinaires. Ce contentieux relève donc de la responsabilité financière, pas de la répression.

Récap : 

Le maire de Richwiller a tenté de faire reconnaître un droit constitutionnel de se taire dans les procédures devant la Cour des comptes, via une QPC.

 

  • La Cour d’appel financière rejette :

 

⟶ Ce droit ne s’applique pas aux juridictions financières, qui ne sont ni pénales ni disciplinaires.

 

⟶ La procédure relève du domaine réglementaire, hors du champ des QPC.

 

L’affaire continue, mais sans débat constitutionnel.

La clause américaine, ou comment résoudre les conflits façon western !

La Cour de Cassation valide l’utilisation d’une clause américaine, notamment au regard de ses conditions d’application

Cass. com., 12 février 2025, n° 23-16.290

Rappel : 

La clause américaine : cette clause permet à l’un des associés, en cas de désaccord grave et persistant, de proposer à l’autre de racheter ses parts à un prix fixé, et, à défaut d’acceptation, d’acquérir les parts de ce dernier au prix initialement proposé. Ce mécanisme permet d’éviter la paralysie de la société en cas de conflit interne.

 

Contexte : 

En l’espèce, deux associés cogéraient une société. Ces derniers ont signé un pacte d’associé contenant une « clause américaine », ou clause d’offre alternative, applicable « en cas désaccord grave et persistant susceptible d’entraîner une paralysie dans le fonctionnement de la société ». Après plusieurs tentatives, infructueuses, de rachat des parts, l’un des associés a activé la clause. Son associé s’y est alors opposé.

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Procédure : 

La cour d'appel a confirmé la validité de la mise en œuvre de la clause et a ordonné à la cession des parts de l’associé. L’associé s’est alors pourvu en cassation.

Les trois raisons de sa contestation :

 

  • Prix fixe arbitraire : contraire aux dispositions du Code civil sur la vente

  • Conditions d’application non réunies : absence de désaccord grave et de blocage

  • Mauvaise foi dans sa mise en œuvre : manque de transparence sur les informations nécessaires à l’évaluation de l’offre.

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Pour rappel : En contrat de vente, le prix doit être déterminé ou déterminable selon des critères objectifs préalablementconvenus par les parties (articles 1583, 1589 et 1591 du Code civil). Il ne peut dépendre de la seule volonté d’une partie, sous peine de nullité pour manque de déterminabilité et de sécurité juridique

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Problématique : 

La clause d'offre alternative prévue dans un pacte d'associés est-elle valide au regard des exigences de déterminabilité du prix et des conditions de son activation ?

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Solution : 

La Cour de cassation rejette le pourvoi en validant la mise en œuvre de la clause. Elle juge que le prix était déterminable et conforme aux dispositions du Code civil, et ne dépendait pas de l’unique volonté d’une partie. De plus, elle estime que le conflit était assez grave, justifiant l’application de la clause en raison du blocage créé. Enfin, elle écarte la mauvaise foi, l’associé ayant eu accès aux informations comptables.

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Commentaire : 

Cet arrêt confirme la validité des clauses américaines dans les pactes d'associés, sous réserve du respect des principes contractuels, notamment la déterminabilité du prix. Il renforce la sécurité juridique en favorisant des mécanismes anti-blocage en cas de conflit. Toutefois, la notion de « désaccord grave et persistant » reste sujette à interprétation de la part des juges du fond, d’où l’importance de critères précis dans les pactes. Enfin, la décision souligne le rôle de la bonne foi, bien que non retenue en l’espèce, comme élément clé en droit des sociétés.

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Portée : 

  • Clauses d’offre alternative valides : elles stabilisent les sociétés et préviennent les conflits.

 

  • Prix exigé : déterminé ou déterminable, sans dépendre d’une seule partie.

 

  • Désaccord grave : notion floue, laissée à l’appréciation des juges.

 

  • Bonne foi essentielle dans l’application des clauses.

L'absence de personnalité morale d'une société absorbée

Crim 25 nov 2020, Iron Mountain France, n°18-86.955

Contexte : 

L’article 121-1 du code pénal ainsi que l’article 6 de la Convention EDH prévoient le principe de la personnalité des peines selon lesquels, une personne ne peut être condamnée pénalement que si cette dernière dispose de la personnalité morale. Ce principe pose de nombreuses questions quant au mécanisme de la fusion-absorption, dans la mesure où la société absorbée disparait juridiquement mais pas économiquement. En effet, la fusion est en réalité une transmission universelle du patrimoine (TUP).

 

L’enjeu majeur est de déterminer si la société absorbante peut être condamnée en lieu et place de la société absorbée qui aurait commis des faits répréhensibles avant la fusion.

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Jurisprudences antérieures : 

Jurisprudence constante (Crim 20 juin 2000, n°99-86.742 : Crim 25 octobre 2016, n°16- 80.366), où la Haute juridiction réitère que les poursuites contre l’absorbante sont exclues pour des faits antérieurs à la fusion. Cette approche anthropomorphique empêchait toute poursuite ultérieure contre une entité différente, donc tout transfert de responsabilité était rendu impossible, même pour des peines d’amende.

 

De la sorte, il est apparu qu’en procédant à une fusion, une société pouvait échapper à sa

responsabilité pénale si bien que les juges européens ont amorcé une modification du régime juridique des fusions-absorptions.

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Evolution européenne : Continuité économique et sanction des fusions frauduleuses

Avant même le revirement des juridictions françaises en 2020 par l’arrêt Iron Mountain France, la jurisprudence européenne avait préparé le terrain en insistant sur la notion de continuité économique entre l’absorbée et l’absorbante, et de la nécessité de ne pas laisser la fusion faire obstacle aux sanctions.

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1) CJUE 5 mars 2015, Modelo Continente, C-343/13 : une fusion absorption entraîne le transfert à l’absorbante de l’obligation de payer une amende infligée après la fusion pour une infraction commise avant par l’absorbée, en vertu des principes de TUP et de protection des tiers (l’État et les créanciers). La France quant à elle restait réticente à adopter cette solution.

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2) CEDH 24 oct. 2019, Carrefour FR c. FR : « la société absorbée n’est pas réellement autrui » de telle sorte que des actes commis avant la fusion par la société absorbée, peuvent être susceptibles d’une amende civile à l’encontre de la société absorbante sans porter atteinte au principe de personnalité des peines de l’art 6 de la CEDH.

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Constat : la FR refusait de s’aligner sur ce point mais s’est vue contrainte d’adapter sa jurisprudence en la matière.

 

Faits :

La société Intradis, mise en cause pour des faits de destruction involontaire survenus en 2002, a été absorbée, par la société Iron Mountain France, dans le cadre d’une fusion-absorption intervenue le 31 mars 2017. Dès lors, c’est cette dernière, en qualité de société absorbante, qui a été citée à comparaître devant le tribunal correctionnel lors de l’audience du 23 novembre 2017.

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Procédure : 

Dans un jugement du 8 février 2018, le tribunal correctionnel a ordonné un supplément d’information soupçonnant que la fusion absorption avait uniquement pour dessein d’échapper à la condamnation pour destruction involontaire, et qu’ainsi la société Iron Mountain France pouvait être condamnée pour les faits commis par la société absorbée.

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La société Intradis, mise en cause pour des faits de destruction involontaire survenus en 2002, a été absorbée, par la société Iron Mountain France, dans le cadre d’une fusion-absorption intervenue le 31 mars 2017. Dès lors, c’est cette dernière, en qualité de société absorbante, qui a été citée à comparaître devant le tribunal correctionnel lors de l’audience du 23 novembre 2017.

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La chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi en considérant ainsi que la société absorbante peut être condamnée pour des faits commis par la société absorbée avant la fusion, dès lors que la fusion absorption a uniquement pour but d’échapper à la condamnation de la société absorbée.

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Problématique : 

La question posée à la Cour de cassation était de savoir si une société absorbante pouvait être responsable des agissements réalisés par la société absorbée avant la fusion-absorption.

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Solution : 

La Cour de cassation s’aligne alors sur la position de la CEDH (24 oct. 2019, Carrefour France c/ France) qui avait considéré que la société absorbée n’est pas réellement autrui par rapport à la société absorbante. Ainsi, les juridictions nationales doivent interpréter le droit interne conformément au droit de l’UE. La Cour a choisi en 2020 de donner une nouvelle interprétation de la loi

(CP, art. 121 1).

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En outre, la CEDH (1er oct. 2024, Union des mutuelles d’assurances Monceau c. France, Section 5, requête n°20224/18), a considéré que pour qu’une société absorbante soit condamnée pour les agissements ante-fusion de la société absorbée, il faut qu’il existe une continuité économique entre la société absorbée et la société absorbante. Tel était alors le cas dans l’arrêt Iron Mountain France où la société absorbée Intradis continuait d’exercer son activité sous couvert d’une autre société.

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De facto, une fusion entraîne la dissolution sans liquidation de l’absorbée, son patrimoine ‘et les actionnaires’ étant transférés universellement à l’absorbante.​​

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Portée : 

Ici : Par un arrêt rendu le 25 novembre 2020, la chambre criminelle de la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence. Ainsi, lorsqu’une société en absorbe une autre dans l’unique but de couvrir les faits de nature pénale que l’absorbée a commis, l’absence de personnalité juridique de l’absorbée ne permet pas à l’absorbante d’échapper aux poursuites pour les faits commis par la société absorbée.

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La Cour de cassation dans cet arrêt indique elle-même que cette décision sera applicable aux fusions absorptions futures afin de respecter le principe de prévisibilité, sauf en cas de fraude auquel cas ce principe sera applicable antérieurement. En principe, ce revirement de jurisprudence ne concerne que la matière pénale, mais la doctrine tant française qu’européenne considère que cela devrait concerner toutes les matières. Bien plus qu’une personnalité morale, la personnalité économique prévaut sur la personnalité juridique.

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Bon à savoir : 

Crim 29 avril 2025 n°24-81.555 : Dans la continuité de cet arrêt, la Cour vient considérer que l’absence de personnalité morale de la société absorbée, n’empêche pas la société absorbante d’exercer des recours en appel en son nom ainsi qu’au nom de la société absorbée contre la décision des juges de condamner les sociétés pour des faits préjudiciels.

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En l’espèce, deux entreprises avaient été condamnées pour des manquements à la réglementation sur l’hygiène, la première a absorbé la deuxième et l’appel de la décision de la seconde était rendu impossible par l’absence de personnalité morale, la Haute juridiction admet alors le fait que la société absorbante puisse faire appel au nom de la société absorbée

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Quid des autres juridictions ? :

Civ, 1ère 22 mars 2023 n°21-24.432 : la fusion-absorption entraine la dissolution de la société absorbée sans sa liquidation, et entraine ainsi transmission universelle du patrimoine vers la société absorbante. Cette dernière a alors les pleins droits pour poursuivre les instances engagées par ou contre la société absorbée.

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Com, 21 janvier 2014, n°12-29.166 : le principe de la personnalité des peines des articles 8 et 9 de la DDHC, ne fait pas obstacle au prononcé d’une amende civile à l’encontre de la personne morale à laquelle l’entreprise a été juridiquement transmise.

La nullité des décisions collectives en SAS

Cass. Com., 15 mars 2023, n° 21-18.324, Publié au bulletin, Larzul II

Faits :

Le 14 décembre 2004, un protocole d’accord est conclu entre deux sociétés : la société Vectora (associée unique de la société par actions simplifiée (SAS) Larzul), et la société Française de gastronomie (associée unique de la société UGMA).

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Le protocole prévoit :

  • L’augmentation du capital de la SAS Larzul réservée à la société UGMA par voie d’apport en nature de son fonds de commerce ainsi qu’à la société Française de gastronomie par voie d'apport en numéraire

  • L’acquisition par la société Française de gastronomie d’actions de la SAS Larzul auprès de la société Vectora

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Puis, par des délibérations du 30 décembre 2004, la société Vectora a approuvé l'opération d'apport du fonds de commerce à la SAS Larzul et l'augmentation de capital subséquente. Ensuite, par un acte du 31 janvier 2005, la société Vectora a cédé un certain nombre d'actions de la SAS Larzul à la société Française de gastronomie.

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Il en résulte que la SAS Larzul compte désormais trois associés : la société Vectora, la société Française de gastronomie et la société UGMA.

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Toutefois, un arrêt irrévocable du 24 janvier 2012 annule les délibérations de la société Vectora du 30 décembre 2004 et constate la caducité du traité d'apport du 14 décembre 2004.

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Dès lors, la société Française de gastronomie et la société UGMA perdent toutes deux leur statut d’associé dans la SAS Larzul qui résultait du protocole d’accord du 14 décembre 2004. Pourtant, par l’acquisition d’actions de la SAS Larzul le 31 janvier 2005, la société Française de gastronomiedétient la qualité d’associé.

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Néanmoins, suite à l’arrêt du 24 janvier 2012, la société Française de gastronomie n’est convoquée à aucune assemblée générale de la SAS Larzul.

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Procédure : 

Ainsi, la société Française de gastronomie assigne la SAS Larzul en annulation de toutes ses assemblées générales ainsi qu’en annulation des décisions collectives en résultant à compter de la date à laquelle elle affirme avoir été privée de ses droits d’associé, soit le 3 avril 2012.

​

 

Par un arrêt du 15 juin 2021, la Cour d’appel de Rennes accueille les demandes de la société Française de gastronomie. En effet, elle constate que la société Française de gastronomie n’a pas été convoquée aux assemblées générales au cours desquelles les décisions de la SAS Larzul ont été adoptées. Or, la Cour d’appel affirme que la société Française de gastronomie était toujours associée de la SAS Larzul. Les juges fondent leur décision sur les dispositions d’ordre public des articles L. 223-28 et L. 223-29 du Code de commerce prévoyant le droit pour les associés de participer aux décisions collectives dans la SARL.

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La SAS Larzul conteste et forme un pourvoi en cassation.

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La demanderesse au pourvoi fonde sa prétention sur un moyen unique divisé en plusieurs branches. Parmi ces branches, seules deux sont retenues par la Cour de cassation :

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D’une part, la demanderesse considère que la Cour d’appel, en fondant l'annulation des délibérations de la SAS Larzul sur les dispositions applicables aux sociétés à responsabilité limitée (SARL) et non aux SAS, a violé la loi par fausse application.

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D’autre part, la demanderesse argue que les délibérations prises par l’assemblée générale d’une société commerciale ne peuvent être annulées qu’en raison de la violation d’une disposition impérative du livre II du Code de commerce ou des lois qui régissent les contrats. Or, en annulant les délibérations de l’assemblée générale de la SAS Larzul au motif qu’elles ont été adoptées en violation des dispositions statutaires de la SAS déterminant les décisions devant être prises collectivement par les associés et prévoyant les formes et conditions dans lesquelles ces décisions sont adoptées, la Cour d’appel a violé la loi.

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Pour ces deux raisons, la demanderesse au pourvoi soutient que la Cour d’appel a violé les articles L. 235-1, L. 223-28, L. 223-29 du Code de commerce ainsi que les articles les articles L. 227-5, L. 227-9 et L. 235-1 du même code.

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Problématique : 

Les décisions prises en violation des dispositions statutaires de SAS déterminant les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés et prévoyant les formes et conditions dans lesquelles ces décisions sont adoptées peuvent-elles être annulées ?

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Solution : 

La chambre commerciale de la Cour de cassation répond par l’affirmative, par un arrêt de principe du 15 mars 2023, et casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel au visa des articles L. 227-9, alinéa 4, et L. 235-1, alinéa 2, du Code de commerce.

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La Cour de cassation pose le principe selon lequel « l'alinéa 4 de l'article L. 227-9 du code de commerce, institué afin de compléter, pour les sociétés par actions simplifiées, le régime de droit commun des nullités des actes ou délibérations des sociétés, tel qu'il résulte de l'article L. 235-1, alinéa 2, du code de commerce, doit être lu comme visant les décisions prises en violation de clauses statutaires stipulées en application du premier alinéa et permettant, lorsque cette violation est de nature à influer sur le résultat du processus de décision, à tout intéressé d'en poursuivre l'annulation. ».

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Or, la Cour d’appel a considéré que les décisions prises par l’assemblée générale étaient nulles en se fondant sur des dispositions applicables à la SARL.

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Par conséquent, la Cour de cassation casse la décision des juges du fond.

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Résumé : 

Une décision prise en violation des dispositions statutaires d’une SAS déterminant les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés et prévoyant les formes et conditions dans lesquelles ces décisions sont adoptées peut être annulée mais uniquement si cette violation est de nature à influer sur le résultat du processus de décision. Tout intéressé peut alors en poursuivre l’annulation.

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Il ressort de cette solution une atténuation évidente de l’importance accordée aux statuts : la décision ne peut être annulée que si la violation est de nature à influer sur le résultat du processus de décision.

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Avant :

Si la solution paraît adopter un revirement de jurisprudence, la question posée à la Cour de cassation est pourtant nouvelle. Et pour cause, la jurisprudence antérieure se fondait sur l’article L. 235-1, alinéa 2, du Code de commerce pour considérer que la nullité des actes ou délibérations pris par les organes d'une société commerciale ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du livre II du même code ou des lois qui régissent les contrats. Le non-respect des stipulations contenues dans les statuts ou dans le règlement intérieur ne pouvant être sanctionné par la nullité, sous réserve des cas dans lesquels il a été fait usage de la faculté, ouverte par une disposition impérative, d'aménager conventionnellement la règle posée par celle-ci (Cass. com., 18 mai 2010, n° 09-14.855, Larzul I).

 

Or, la Cour de cassation avait jugé que l’article L. 227-9, alinéa premier, ne constituait pas une disposition impérative aménageable (Cass. com., 9 sept. 2020, n° 19-15.422). Cette interprétation empêchait alors d’annuler la décision violant les dispositions statutaires de SAS déterminant les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés et prévoyant les formes et conditions dans lesquelles ces décisions sont adoptées.

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Maintenant :​

L’arrêt Larzul II du 15 mars 2023 tranche ainsi un débat nouveau fondé sur l’alinéa 4 de l’article L. 227-9 du Code de commerce sur lequel la Haute juridiction n’avait pas encore statué. Ainsi, la Cour de cassation consacre une cause de nullité des décisions prises en violation des dispositions statutaires propre aux SAS. Il en résulte que l’alinéa 4 de l’article L. 227-9 est le fondement de la nullité des décisions violant les dispositions statutaires déterminées en application du 1er alinéa du même article.

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En réalité, l’arrêt Larzul II souligne la prévalence des statuts de la SAS dans la détermination de son régime.

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