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Veilles juridiques de Mai 2025

458 M€ d’amende à l’encontre de 15 constructeurs automobiles Européens

Décision de la Commission Européenne du 01 avril 2025 (Entente anticoncurentielle)

Une sanction historique : 

Le 1er avril 2025, la Commission européenne a infligé une amende de 458 millions d’euros à 15 constructeurs automobiles européens et à l’Association des constructeurs européens d’automobiles pour leur participation à une infraction unique et continue, relative au processus de recyclage des véhicules hors d’usage. Cette pratique a été jugée contraire à l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui interdit les pratiques concertées et autres ententes faussant la concurrence sur le marché intérieur.

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Entente anticoncurrentielle dans le recyclage des véhicules : ​

Entre 2002 et 2017, les entreprises concernées se sont entendues pour ne pas rémunérer les sociétés de recyclage, estimant leur activité suffisamment rentable.

 

Elles ont également convenu de ne pas communiquer d’informations sur la quantité de matériaux recyclables ou réutilisables afin d’éviter que les critères environnementaux n’influencent le choix des consommateurs, limitant ainsi la pression exercée sur les constructeurs pour qu’ils dépassent les exigences légales.

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L'implication de l'association des constructeurs automobiles européens : 

L’Association des constructeurs européens d’automobiles a joué un rôle actif en facilitant les échanges d’informations et en coordonnant les actions de ses membres. Reconnue comme ayant contribué à l’infraction, elle a donc été sanctionnée à hauteur de 500 000 euros.

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Clémence et transaction : 

Dans le cadre du programme de clémence de la Commission européenne, Mercedes-Benz a bénéficié d’une immunité totale pour avoir été la première à révéler l’existence de l’entente. Cette coopération lui a permis d’éviter une amende estimée à environ 35 millions d’euros.

 

D’autres constructeurs, tels que Stellantis, Ford et Mitsubishi ont obtenu des réductions d’amende en contrepartie de leur coopération durant l’enquête. Le niveau de réduction accordé a varié en fonction du moment auquel les entreprises ont choisi de coopérer, ainsi que de la valeur probante des éléments qu’elles ont transmis pour établir l’existence de l’entente.

Enfin, une réduction de 10 % a été appliquée à toutes les amendes dans le cadre de la procédure de transaction, les entreprises ayant reconnu leur responsabilité

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Portée et implications : 

Cette sanction reflète l’importance accordée par l’UE aux objectifs environnementaux, y compris dans le secteur automobile.

Elle pourrait également ouvrir la voie à des actions en private enforcement, facilitées par l’autorité de la chose décidée, qui établit une présomption irréfragable de faute contre les entreprises sanctionnées.

La déloyauté de la preuve 

Cass. cass, Ass. Plén. 22 déc. 2023, n°20-20.648

Contexte : 

Un responsable commercial a été licencié pour faute grave par son employeur à la suite d’un entretien informel et un entretien préalable à un éventuel licenciement.

L’employeur a assigné le salarié devant le Conseil des Prud’homme en demandant des dommages-intérêts pour non-exécution de son préavis et en réparation du préjudice commercial subi. Il apportait comme élément de preuve, pour justifier la sanction, un enregistrement sonore réalisé à l’insu du salarié durant un entretien informel.

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Procédure : ​

Dans un premier temps, la Cour d’appel d’Orléans a déclaré irrecevable les éléments de preuves, aux motifs que l’enregistrement avait été réalisé de façon clandestine et constituait donc une preuve déloyale (CA d’Orléans, ch sociale, 28 juillet 2020, n°18/0022).

 

L’employeur forme un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la Cour d’appel d’Orléans, afin de contester la décision de la Cour déclarant la preuve irrecevable au motif que celle-ci constituait une preuve obtenue de façon déloyale. 

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Problématique : 

Peut-il être admis sur le modèle de la Cour européenne des droits de l’homme, qu’une preuve obtenue de manière déloyale puisse, sous certaines conditions, être déclarée recevable ?

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Solution : 

L’assemblée plénière de la Cour de cassation admet que des moyens de preuves déloyaux puissent être présentés au juge dès lors qu’ils sont indispensables à l’exercice des droits du justiciable. 

La Haute juridiction opère un revirement de jurisprudence en admettant désormais, dans un procès civil, que l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou dans la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à son exclusion.

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Le juge devra apprécier le caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

La Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel, qui avait écarté les enregistrements clandestins au motif qu’ils avaient été obtenus de manière déloyale. Elle renvoie l’affaire devant une autre cour d’appel qui devra vérifier d’une part, que les enregistrements étaient indispensables pour prouver la faute grave du salarié, d’autre part, que l’utilisation de ces enregistrements réalisés à l’insu du salarié ne portent pas une atteinte disproportionnée à ses droits fondamentaux.

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Portée :

La Haute juridiction s’inspire, dans sa décision, de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui en se fondant sur l’article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, n’écarte pas systématiquement les preuves obtenues par des moyens déloyaux.

 

La preuve déloyale n’est plus écartée de façon automatique, mais n’est pas non plus de facto recevable. La recevabilité de la preuve obtenue de façon déloyale est dorénavant soumise à un contrôle de proportionnalité in concreto opéré par le juge, qui devra désormais rechercher si l’élément de preuve en question porte atteinte au « caractère équitable de la procédure dans son ensemble ».

Le droit de vote des associés et la clause d'exclusion

Cass. com. 29 mai 2024 n°22-13.158

Faits : 

En l’espèce, les statuts d’une société par actions simplifiées prévoyaient une clause d’exclusion à l’égard des associés. La clause disposait :

  1. qu’un associé peut être exclu de la société par une décision collective de ces derniers

  2. l’associé susceptible d’être exclu ne pourra pas exercer son droit de vote lors du vote de cette décision

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Par une décision collective des associés en assemblée générale, un associé a été exclu sans pouvoir exercer son droit de vote lors de la décision d’exclusion.

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Procédure : 

L’associé exclu intente une action en justice.

 

Les juges du fond ayant rejeté sa demande, le demandeur se pourvoit en cassation au motif que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et d’y voter, que les statuts ne peuvent déroger à ce principe que dans les cas prévus par la loi, toute clause contraire est réputée non écrite. 

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Problématique : 

Un associé d’une société par actions simplifiées dont l’exclusion est votée, en vertu d’une clause statutaire, peut-il être privé de son droit de vote ?

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Solution : 

La chambre commerciale de la Cour de cassation casse l’arrêt des juges du fond et pose le principe selon lequel toute stipulation d’une clause statutaire ayant pour objet ou effet de priver un associé dont l’exclusion est proposée, de son droit de voter cette décision, est réputée non écrite.

 

Le juge de droit fonde ici sa décision sur l’article 1844 et 1844-10 du code civil ainsi que l’article 227-16 du code de commerce :

 

  • La loi dispose que les statuts d’une société par actions simplifiées peuvent prévoir qu’un associé peut être tenu de céder ses actions.

  • Cependant tout associé a le droit de participer aux décisions collectives, en ce sens, toute clause contraire est réputée non écrite.

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Apport : 

La présente décision réaffirme le principe selon lequel une clause statutaire ne peut priver un associé de son droit de vote (Cass. com. 9 février 1999 n°96-17.661 et Cass. com. 23 octobre 2007 n°06-16.537) mais son apport réside dans :

 

 

  • Le réputé non écrit ne concerne plus la totalité de la clause, mais simplement les stipulations illicites. En conséquence, la clause d’exclusion demeure. En l’espèce, le réputé non écrit concerne donc seulement la privation du droit de vote.

  • Il ne s’agit plus seulement d’une stipulation exposant littéralement une privation du droit de vote, mais également les stipulations ayant pour effet de priver de son droit de vote un associé.

 

La chambre commerciale de la Cour de cassation s’appuie sur des dispositions de droit commun (art. 1844 et 1844-10 du code civil), ce qui signifie que ce principe ne semble pas se limiter aux sociétés par actions simplifiées, mais à toute autre forme de société, ainsi qu’à tout type de clause.

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